Vous connaissez certainement ce paradoxe exposé par le philosophe grec Zénon d’Elée (né vers -495, décédé vers -430) et inventeur de la dialectique. Non ? Cette histoire de pierre (ou de flèche) lancée contre un arbre et qui ne l’atteint jamais ? Toujours pas ?
Laissez-moi-vous le décrire à ma façon.
Disons que je parte en voiture de Paris pour aller à Bordeaux. A supposer que je n’ai pas d’accident ni ne crève un pneu, j’arriverai à bon port. Et le fait est qu’effectivement sans incident, je suis toujours arrivé à Bordeaux quand je m’y rendais.
Mais il existe aussi une autre façon de voir les choses et de décrire ce trajet. Pour atteindre Bordeaux, je dois parcourir la distance qui m’en sépare. Et notamment la première moitié du trajet, soit à 250 kms en un temps déterminé (qui dépendra de ma vitesse, du trafic…). Cette distance est divisible par deux, soit 125 kilomètres, eux même divisibles par 2 soit 62,5, puis 31,25, puis 15,625… et ainsi de suite à l’infini.
Et c’est bien là le « problème » : si l’on suit cette logique, la distance étant divisible par deux à l’infini, il restera toujours une distance (même infime) à parcourir sur mon trajet, et par conséquent force est de constater que je n’arriverai jamais à Bordeaux. Je pourrai m’en rapprocher sans cesse mais sans jamais l’atteindre… Alors comment puis-je arriver à Bordeaux et ne pas y arriver en même temps ? Aristote résumait ce dilemme de Zénon en employant la méthode de la dichotomie : « Si l'Un en soi est indivisible, alors, selon l'opinion de Zénon, rien n'existera. »
Vous allez me dire qu’il faut être un peu perturbé pour se poser ce genre de question… Certes, mais tout de même ne trouvez-vous pas ça fascinant ? Comme expliquer ce paradoxe ? A quel moment la dite distance cesse-t-elle de se diviser par deux et me laisse atteindre Bordeaux ?
L’explication ? En mots simples :
· si je peux atteindre la première moitié de la distance, je suis capable d’atteindre la deuxième moitié du dit trajet, et donc Bordeaux
· le temps intervient aussi dans le calcul, il n’est pas seulement question de distance mais de distance couverte en un certain temps
· et à mesure que la distance diminue (je me rapproche de Bordeaux) le temps nécessaire pour la couvrir évolue dans un mouvement similaire, en d’autres termes il me faut à chaque fois moins de temps pour effectuer la distance restante et la convergence de ces sommes infinies tend vers 0
Convaincu ?